Sections

1- Contexte

2- Options

3- Changements nécessaires 

 

« La  pauvreté est la pire des violences. »
Gandhi

Dans ce texte, nous donnerons un aperçu de la situation des envirosensibles québécois(e)s à faible revenu qui ont besoin de l’aide de l’état pour défrayer leurs coûts de loyer.

 

Contexte

Les programmes de logements sociaux sont administrés au Québec par une société gouvernementale, la Société d’habitation du Québec (SHQ). Les fonds pour ces programmes proviennent du gouvernement fédéral dans une proportion de 50 à 75%. Sur les formulaires d’application pour un HLM, par exemple, on retrouve les logos des deux sociétés partenaires, la SHQ et la SCHL – la Société canadienne d’hypothèques et de logement, laquelle gère directement le logement social dans les autres provinces.

Santé Canada, la Commission canadienne des droits de la personne et la SCHL reconnaissent depuis deux décennies l’hypersensibilité environnementale et les besoins spécifiques des personnes atteintes. Ainsi, en Ontario, des hypersensibles (ainsi nommés par la SCHL) ont pu bénéficier du programme d’adaptation du domicile (PAD) pour personnes handicapées (en logement privé) et modifier leur habitat conformément à leurs besoins. Au Québec, ces besoins spéciaux ne sont pas reconnus par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, bien que ce programme de la SCHL soit financé à 75% par des fonds fédéraux, il n’est pas disponible pour les hypersensibles du Québec. Pour la SHQ, l’inaccessibilité au logement pour cause de handicap se définit par une barrière physique (absence de rampe pour fauteuil roulant, etc.). On pourrait plaider qu’une mauvaise qualité de l’air rendant un logement inaccessible constitue une barrière physique bien réelle.

Voyons quelles sont les options des envirosensibles à faible revenu sur le plan du logement subventionné, celui dont le montant du loyer ne dépasse pas 25% des revenus du locataire.

 

Options

1- Les structures existantes :

Les HLM, administrés par les OMH (offices municipaux d’habitation), possèdent leur propre conseil d’administration et sont soumis au code de gestion de la SHQ. Les édifices sont de taille variable, comportant souvent un grand nombre d’unités. Le tabagisme y est endémique et la fumée envahit fréquemment les corridors et les logements voisins de ceux des fumeurs. On y utilise couramment des produits de ménage commerciaux, des parfums d’ambiance ou autres et des insecticides. Des travaux de rénovation (décapage et cirage de planchers, peinture, etc.) y sont régulièrement effectués.

Logements privés subventionnés : certains OMH administrent également des logements privés en collaboration avec leurs propriétaires. Cependant, depuis plusieurs années déjà, on n’ajoute plus de nouveaux logements à ce programme.

Pour s’inscrire sur la liste d’attente d’un OMH, il faut avoir résidé dans le territoire de cet OMH au minimum un an. Lorsque le candidat est sélectionné pour un HLM, il doit accepter le logement qu’on lui offre sous peine d’une radiation d’un an de la liste d’attente. On peut s’imaginer l’impasse pour un envirosensible à qui l’on fait visiter un appartement envahi par les odeurs de fumée ou de parfum.

Si le logement est accepté, qu’un bail est signé et que le locataire se rend compte par la suite qu’il doit renoncer au logement à cause d’une qualité de l’air qui aggrave lourdement son état de santé, les pénalités sont : 3 mois de loyer à payer à partir de la date de l’avis donné à l’OMH, plus 3 ans de radiation de la liste d’attente. Les OMH ont un certain pouvoir discrétionnaire dans l’application de ces règles. De petits OMH nous ont dit qu’en pareille circonstance, ils essaieraient plutôt, dans la mesure de leurs moyens, d’accommoder la personne en lui trouvant un autre logement plus adapté à ses besoins. Également, certains OMH en région seraient ouverts à la possibilité de ne pas appliquer la radiation d’un an de la liste lors de renonciation au logement au moment de la visite. Ces accommodements se feraient sur présentation d’une lettre médicale.

Les coopératives et les OBNL (organismes à but non lucratif) : ne comportent qu’un nombre restreint d’unités subventionnées. Même si leurs conseils d’administration gèrent des entreprises de dimensions moindres que les OMH, l’environnement de ces immeubles n’est pas nécessairement plus écolo que celui de la moyenne du parc locatif, à moins qu’un organisme particulier ne se donne une telle vocation – une tendance qui commence à émerger dans quelques nouveaux projets.

Accommodement difficile

Leur condition de santé exigeant des accommodements de la part des dirigeants (être prévenus en cas de travaux, pouvoir aérer le logement même par temps froid, etc.), la situation des envirosensibles en HLM peut devenir tendue, voire impossible, les gestionnaires ne souhaitant pas donner une apparence de favoritisme vis-à-vis d’un(e) locataire en particulier. Quant aux voisins, il est impensable de leur demander de modifier certaines habitudes de vie ou de consommation (tabac, parfums, insecticides, etc.). L’ensemble de ces conditions défavorables a déjà conduit certaines personnes à une dégradation sérieuse de leur santé, voire au décès.

Les OMH étant des entités autonomes, le département des plaintes de la SHQ n’a pas d’autre pouvoir que celui de faire des suggestions aux gestionnaires , de tenter une conciliation. Pour l’instant, rien n’est prévu au règlement en ce qui concerne les sensibilités aux produits chimiques. De plus, il semble exister un vide juridique autour des intoxications subies par les envirosensibles et causées par autrui, que ce soit par ignorance, négligence ou malveillance. Bien qu’elles pourraient équivaloir à des voies de fait graves par le tort parfois permanent qu’elles causent à la santé de la victime, ces actions ne sont pas sanctionnées. C’est la raison pour laquelle un environnement protégé est une nécessité. L’information aux gestionnaires serait utile et nécessaire, mais ceux-ci sont soumis à des pressions diverses et l’inconfort s’ensuit presque inévitablement. Pour l’instant, la direction de l’habitation sociale de la SHQ se dit incapable d’émettre des consignes à l’endroit des directions des OMH, la maladie n’étant pas reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le PSL d’urgence

Il s’agit d’un programme de subvention au loyer privé réservée à des cas dits urgents comme la perte d’un logement due à une hausse de loyer excessive. La situation d’une personne dont la santé est gravement menacée dans un HLM, par exemple, n’est pas jugée urgente aux fins de ce programme; on considère que la personne a un toit et qu’elle est déjà subventionnée. Tôt ou tard cependant, le toit risque de devenir celui d’une chambre d’hôpital. Les risques de suicide sont également élevés dans ces circonstances.

De plus, rien n’est prévu pour les envirosensibles vieillissants ou en perte d’autonomie.
 

2- Nouveaux projets

La SHQ ne bâtit plus de nouveaux HLM. Présentement, pour obtenir un nouvel immeuble, les citoyens doivent former une coopérative ou un OBNL et présenter un projet qui sera soumis aux critères du programme AccèsLogis de la SHQ (les OMH peuvent également y participer). Le volet 1 de ce programme concerne une clientèle sans besoin particulier; le volet 3 touche la clientèle avec besoins spéciaux (handicapés, itinérants et autres) et offre une mise de fonds supplémentaire de la part de la SHQ, pouvant aller jusqu’à 30%. De plus, avec le volet 3, jusqu’à 100% des unités bâties peuvent devenir des logements subventionnés (contre 50% avec le volet 1).

Accès difficile

Dans sa forme actuelle, le programme AccèsLogis présente un ensemble de contraintes difficilement surmontables pour les envirosensibles à faible revenu en besoin urgent de logements sains.

Le conseil d’administration de l’OBNL en charge du projet doit être formé au tiers de bénéficiaires (ou de leurs représentants). Les bénéficiaires sont des personnes à faible revenu, souvent très malades à cause de mauvaises conditions environnementales dans leurs logements. Pour la plupart d’entre elles, il s’avère impossible de travailler plusieurs années à titre bénévole à la réalisation d’un projet d’habitation, tout en continuant d’habiter leurs logements malsains, de chercher d’autres logements moins malsains ou des lieux d’hébergement temporaires, en devenant de plus en plus malades. Quant à leurs proches, leur vie personnelle est souvent déjà affectée par cette problématique.

L’OBNL signe un contrat avec un Groupe de ressources techniques (GRT) rémunéré à même les subventions allouées au projet. Même avec l’aide du GRT, la tâche demeure considérable pour l’OBNL. 15% des investissements doivent provenir du milieu, sous forme de levées de fonds, dons, commanditaires, rabais de taxes, etc. Une fois le projet réalisé, l’OBNL en est le propriétaire et doit en assurer la gestion et l’administration (y compris des programmes de subventions au loyer). Finalement, comme le handicap des sensibilités environnementales n’est pas reconnu par la SHQ, le volet 3 , avec son budget supplémentaire de 30%, n’est pas (jusqu’à présent) disponible pour cette clientèle, qui doit donc trouver les fonds supplémentaires pour la construction avec des techniques et matériaux spécialement adaptés à leurs besoins.

 

Changements nécessaires

La mesure la plus urgente à appliquer serait la reconnaissance du handicap des sensibilités environnementales par le ministère de la Santé et la SHQ, en conformité avec Santé Canada, la SCHL et la Commission canadienne (et ontarienne) des droits de la personne. Ceci ouvrirait la porte à :
  • l’accès aux différents programmes prévus pour les clientèles avec besoins spécifiques (programme d’adaptation du domicile (en milieu privé), AccèsLogis volet 3, etc.). Les projets d’habitation destinés à des personnes malades devraient être entièrement mis sur pied par la SHQ avec l’aide de partenaires de son choix. Les bénéficiaires seraient consultés sur le design et le choix des matériaux. Le volet 3 étant disponible pour les itinérants, on pourrait prendre en compte la forme  d’itinérance vécue par plusieurs envirosensibles à faible revenu (voir Crise du logement, pauvreté et errance chez les envirosensibles ).

  • les accommodements nécessaires à cette condition de santé par des exceptions aux règles de gestion actuelles. En cas de renonciation au logement HLM pour des raisons de santé et sur présentation d’une lettre médicale, aucune pénalité ne devrait être appliquée. Étant donné le manque de médecins spécialistes des sensibilités environnementales au Québec, les lettres de médecins généralistes devraient être acceptées, ce qui n’est pas le cas présentement.

  • les aménagements permettant une meilleure qualité de l’air dans les édifices subventionnés. Chaque OMH  de plusieurs édifices devrait en réserver un certain nombre aux non-fumeurs (en proportion du nombre de foyers non-fumeur). Ceci est d’autant plus nécessaire qu’on compte dans la classe pauvre un nombre plus élevé de fumeurs et en même temps un certain nombre de personnes bénéficiaires de la Sécurité du revenu pour des raisons de santé, dont les troubles respiratoires. Dans l’un de ces édifices sans fumée, aucun parfum d’ambiance, insecticide ou produit de nettoyage toxique ne serait appliqué. Quant aux OMH d’un seul édifice, des ventilateurs récupérateurs de chaleur pourraient être installés dans les logements des personnes sensibles aux polluants. Même si ces mesures ne peuvent se substituer à la construction d’immeubles adaptés, elles constitueraient déjà une grande amélioration par rapport aux conditions actuelles. Le PAD n’étant pas accessible en logement subventionné, un budget devrait être prévu pour des aménagements tels que remplacement des couvre-sols toxiques, décontamination de la fumée de tabac, etc.


En 2008, Québec vient d’allouer un budget de 1,2 milliards pour rénover les HLM. Les locataires ont été consultés, mais comme la plupart sont fumeurs, il faut aller au-delà de eurs demandes en ce qui a trait à la qualité de l’air; ce qu’a fait le conseil d’administration de la Fédération des locataires de HLM du Québec, en demandant des échangeurs d’air dans le corridors. Les études démontrent cependant que ce type d’appareils ne peut éliminer la totalité des polluants du tabac, et ils ne peuvent résoudre les problèmes de  rculation de la fumée par les différents interstices et par les portes et fenêtres.


Les OMH qui bâtissent de nouveaux édifices avec AccèsLogis devraient sélectionner des matériaux moins toxiques et polluants que ceux présentement utilisés, tels les panneaux d’agglomérés à la colle d’urée-formaldéhyde (armoires de mélamine, planchers flottants)…Question d’éviter l’émergence de nouveaux cas d’asthme et de sensibilités environnementales.
 
  • Étant donné les conditions de vie très difficiles des HLM, il faudrait également instaurer un programme de subventions au logement privé pour le cas particulier des envirosensibles, dont l’état de santé est si intimement lié à la qualité de l’air dans leur logement. Si l’un d’entre eux a la rare chance de trouver sur le marché privé un logement relativement sain, la subvention pourrait alors lui permettre de survivre – et d’épargner à l’état des coûts en soins de santé. Au fur et à mesure qu’apparaissent sur le marché des logements dits « non-fumeur », ou que de plus en plus de gens adoptant un mode de vie écologique sont prêts à accommoder des envirosensibles en leur louant une chambre, ce type de subvention pourrait avoir son utilité (à condition qu’elle puisse être également applicable dans le cas d’une chambre).


Les coopératives et OSBL, qui comptent souvent parmi leur clientèle des familles avec de jeunes enfants, auraient avantage à se familiariser avec la gestion écologique des lieux.

 

Conclusion

Si les contraintes budgétaires du ministère de la Santé sont le principal motif du refus de la reconnaissance de maladies telles que le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie et les sensibilités environnementales, on peut se demander pourquoi ces restrictions ne seraient pas réparties sur l’ensemble de la population, plutôt que d’entraîner le sacrifice de certaines catégories de malades.

On peut se demander aussi où le reste du Canada trouve les budgets qui lui permettent la reconnaissance  de ces handicaps (chambres d’hôpitaux aménagées au Nouveau-Brunswick, politique de non-parfum dans des lieux publics en Nouvelle-Écosse et en Ontario, 33 nouveaux logements pour envirosensibles à Ottawa…).

Depuis 2004, dans le cercle restreint des envirosensibles qu’elle connaît, l’auteure a assisté à un décès en logement subventionné, une tentative de suicide, un suicide et une mort imminente (au moment d’écrire ces lignes). Tous événements reliés à des problématiques de logement.

Si le Québec se distingue en ce moment par son retard (on se souvient du dossier de la reconnaissance des sages-femmes) et par sa tendance à réinventer la roue : posséder ses propres statistiques sur le pourcentage de population atteinte (les Québécois réagissent-ils différemment aux produits chimiques?), son propre consensus médical (celui de 1999 ne paraît pas accepté), ses propres définitions du handicap en excluant celui qui nous concerne…serait-il possible que le Québec en vienne à se distinguer par des projets d’habitation avant-gardistes qui permettraient à des envirosensibles de vivre en toute quiétude et de pouvoir oeuvrer à la prévention – car cette maladie est évitable – épargnant ainsi à l’État des frais de santé? C’est le défi que nous lui posons…

 

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819 674 0576

Site Internet de la SHQ : www.habitation.gouv.qc.ca
Programme AccèsLogis : ww.habitation.gouv.qc.ca/programmes/acceslogis.html
 

Jacinthe Ouellet
Mars 2007
Révisé octobre 2008

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